Golden beauty – l’idée de Nombre d’or en art

19 septembre 2008 at 11:28 (Esthétique - Topic général, Oeuvre d'art, Thèse - Le visible et L'expression) (, , )

Pour citer cet ouvrage :

Lihsiang Hsu (2009). Le Visible et l’expression: étude sur la relation intersubjective entre perception visuelle, sentiment esthétique et forme picturale. Manuscrit de thèse doctorat. CRAL, EHESS, Paris.

Doryphore de Polyclète
Doryphore de Polyclète

Depuis l’Antiquité, les théoriciens aussi bien que les praticiens de l’art s’engagent considérablement dans la recherche des caractéristiques objectives du beau. Les théories et les discours sont nombreux. L’invention du théorème de Pythagore et du Nombre d’or représente les premières tentatives en Occident de trouver les lois de la beauté dans les caractéristiques objectives. Dans cette optique, toute structure équilibrée sera aboutie de manière harmonieuse d’après la fonction de Nombre d’or. Pour les chercheurs passionnés de la loi mathématique de la beauté, le Nombre d’or passe au-delà du simple produit de l’imagination mathématicienne, représente un principe naturel lié aux lois de l’équilibre. La beauté incarnée par le Nombre d’or ne se présente pas comme qualité subjective, mais comme expression de la loi objective et universelle. Un artiste, dont l’œil est exercé à évaluer mentalement des proportions mathématiques, sera jovialement inspiré par ce rapport harmonieux de la petite dimension (x) à la grande dimension (y), qui est égale au rapport de la grande dimension (y) au tout (x + y), i.e., x/y = y/(x + y). Nous obtenons alors le nombre Φ (1,618), d’où, selon Vitruve, l’impression d’harmonie et de beauté. La proportion est donc l’idée racine de celle de la Forme idéale, de l’Harmonie et de la Beauté. Elle est leur incarnation et leur traduction dans le monde visible.

Au dix-neuvième siècle, Gustav Theodor Fechner, philosophe allemand, un des fondateurs de la psychophysique, poursuit cette ligne de pensée et l’introduit dans une entreprise de réflexion et d’expérimentation scientifique[1]. Il soumet à quelques centaines de personnes plusieurs rectangles et demande à chaque personne de désigner le rectangle le plus attrayant. Il en conclut que les personnes manifestent une nette préférence pour le rectangle  de 34×21, dont la proportion est 34/21=1,619. La proportion préférée est donc proche de celle du rectangle d’or, le nombre Φ (1,618). L’idée et le résultat de Fechner ont cependant provoqué des doutes et des attaques, mais ils seront repris plus tard par les psychologues expérimentaux, comme John Benjafield notamment, menant des études qui confirment la préférence pour la proportion Φ (1,618)[2]. Par ailleurs, l’idée de Nombre d’or a récemment été reprise par Rizzolati et ses collègues dans une étude expérimentale, qui a pour objectif de tester si l’expérience de beau dans l’art a un fondement biologique universel[3]. Rizzolati applique la technique d’imagerie par résonance magnétique fonctionnel (IRMf) à l’étude de l’activité cérébrale des personnes observant l’image d’une statue célèbre, le Doryphore, du sculpteur grec Polyclète (Figure 5-2). L’étude suggère que notre réaction à la proportion parfaite Φ (1,618) active l’insula, aussi appelée le cortex insulaire. L’insula est une région du cerveau particulièrement étudiée par Damasio, qui a proposé que cette région a pour fonction de cartographier nos états viscéraux impliqués dans des expériences émotionnelles. Le résultat de cette étude fait écho à de précédentes conceptions et études, notamment à celles de Damasio et de Zeki. Pour confirmer cette observation, il nécessite des études expérimentales à venir qui la mettront en évidence. L’approche de Rizzolatti prévoit effectivement la possibilité de pouvoir travailler sur ce sujet de Nombre d’or à travers de nouvelles méthodes afin d’observer la corrélation de la plasticité cérébrale et des stimuli de l’expérience esthétique.

Cinzia Di Dio, Emiliano Macaluso, Giacomo Rizzolatti (2007), op. cit.

Images du Doryphore de Polyclète, original (centre) et modifié par Photoshop (droite et gauche)*.

*Ces images sont utilisées par Rizzolatti et ses collèques afin de tester l’activité cérébrale des individus observant l’image originale (centre) et les images modifiées (droite et gauche) de la copie romaine de la statue du Doryphore du grec Polyclète. La sculpture est conçue à l’origine pour démontrer la beauté de la proportion parfaite, Φ (1,618). Les images sont modifiées en créant une jambe plus courte pour l’image à gauche (dont la proportion = 1 : 0,74), et une jambe plus longue pour l’image à droite (dont la proportion = 1 : 0,36).

Source : Cinzia Di Dio, Emiliano Macaluso, Giacomo Rizzolatti (2007), op. cit.



[1] Cf. Théodule Ribot (1879). La psychologie allemande contemporaine; école expérimentale. Paris, Baillière. Renée Bouveresse (1999). L’esthétique expérimentale. Paris, Ellipses ; Joseph Delboeuf (2006). Etude critique de la loi psychophysique de Fechner. Encyclopédie psychologique. Paris, Harmattan.

[2] Cf. John Benjafield (1976). The « Golden Rectangle »: Some New Data. American Journal of Psychology. 89 (4), 737-43; John Benjafield & Christine Davis (1978). The Golden Section and the Structure of Connotation. The Journal of Aesthetics and Art Criticism. 36(4), 423-427.

[3] Cf. Cinzia Di Dio, Emiliano Macaluso, Giacomo Rizzolatti (2007), op. cit.

© Lihsiang Hsu 2009

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